Dans la logique d’un univers simulé, toute individualité apparaît comme un vecteur. Non pas au sens littéral mais au sens mathématique. Chaque individu dispose d’une direction, d’une longueur et d’une influence qui lui sont propres. Si l’on ajoute la quatrième dimension T (le temps), alors on se retrouve avec un nuage de vecteurs qui évolue en fonction de leurs interactions intervectorielles.
Équation simple (dynamique de couplage) :
v̇i = α (vi* − vi) + β ∑j aij(vj − vi)
où v̇i est l’état vectoriel de l’individu i, vi* sa direction/état visé, et aij le poids d’influence de j sur i.
Si la société par le passé avait du mal entre la masse sociale et l’individualisme, il est d’une théorie uniformisée aujourd’hui, plus mathématique et rationnelle. Il n’est plus question d’un quelconque libre arbitre ou d’un quelconque individualisme, ni d’une quelconque masse sociale, mais d’un ensemble mathématique que l’on pourrait associer au mouvement de foule (cf. modèles de mouvements de foule : modèle des forces sociales — Helbing & Molnár, 1995 ; modèle d’alignement — Vicsek et al., 1995).
Bien sûr, prise à l’échelle individuelle ou à l’échelle du Moi se pose la question du libre arbitre, de sa propre influence sur sa capacité vectorielle, à savoir sa longueur, sa position et son influence potentielle sur d’autres vecteurs (Cf. analogie “mouvement de foule” : interactions locales qui orientent la trajectoire globale, type Helbing/Vicsek.) Plus loin, si l’on raisonne sur le Moi non pas en termes mathématiques mais en termes philosophiques, vient inéluctablement une traction forte sur le regard extérieur de notre propre destinée qui est le duo morale / absolu. Si la morale naît de l’atavisme sociétal — car la morale dépend indubitablement de la société, de la période, et de la philosophie dans laquelle l’individu évolue —, l’absolu, lui, de tout temps, reste l’élévation. Dans les diverses cultures la notion d’accomplissement, de transcendance, de but pour et par les Dieux apparaît comme un évènement inhérent à chaque individu (christianisme, cosmologies andines, quêtes de vision).
Pourtant, et c’est la principale problématique, dans une logique mathématique, le libre arbitre ne devrait plus être basé ni sur la morale, ni sur la potentialité d’un Dieu, ou de dieux, mais sur la capacité à trouver un chemin d’influence pour que notre vecteur — ou notre Moi mathématique — dispose de la longueur la plus aboutie eu égard aux caractéristiques de base dont nous avons hérité mais aussi, et surtout, du cercle d’influence le plus étendu, ou du moins le plus efficace pour répandre une partie de nos caractéristiques dans la masse de vecteurs et ainsi rendre notre existence en T la plus prolifique possible 1 . Autrement dit : être jusqu’à s’en épuiser. Briller à son maximum jusqu’à s’étendre et consommer toute son énergie vectorielle sans autre but que d’être notre potentiel maximum vectoriel.
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Ici j’ajoute deux référence à Platon que l’on trouvera dans le Banquet, « Tout homme désire son bien et ce bien, en dernière analyse, consiste à vouloir enfanter, c’est-à-dire à vouloir persister dans l’être. »
Une première thèse qui fait écho à ce que l’on pourrait appeler la persistance vectorielle, à savoir que — dans la théorie d’une univers simulé —, un Vecteur dispose d’une autre caractéristique ou dimension, celle de la persistance. Epuisé par Temps (t) il évacue dans l’écart type de son maximum d’énergie une partie de son énergie — qu’il sait ou pas si ici on le considère comme conscient —, qui constituera sa rémanence dans le Temps ou son immortalité, je continue à citer Platon : « l’enfantement, c’est-à-dire l’actualisation de leur désir d’immortalité«
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